Lettres pour me raconter

Il y a toujours de l’espoir. Peu importe le problème, on finit par s’en sortir. Enfin… C’est ce que je pensais.

Depuis quelques semaines, je me rends compte qu’on ne guérit pas de toi. On passe au-dessus, on arrête d’y penser. Quand on est suivi, on nous conseille de trouver une raison de se battre, pour se relever et aller de l’avant. On va mieux, on sourit, on rigole, on s’accroche à notre nouvelle vie. On travaille, on révise pour se construire un avenir. On tombe amoureuse. Bref, on pense en avoir fini.

Mais voilà, un jour on ne peut plus sortir et on se retrouve avec soi-même, entre quatre murs. On ressasse le passé, on se questionne sur le monde et on repense à ces anciennes blessures qui nous ont été infligées.

Les angoisses remontent, notre respiration s’accélère, les larmes refont surface et nos pensées noircissent. On sent que notre liberté s’est enfuie, sans intention de revenir.
On est seul avec notre amie la solitude qui nous a déjà accompagnés pendant de longues soirées. Ces souvenirs nous hantent.

Mais il n’y a pas le choix. On se lève, on descend les escaliers et là, on la voit, notre famille. On ne remarque pas la chance que l’on a de l’avoir près de nous, pendant ce temps de confinement. Non on ne le voit pas. On passe à côté d’elle, et de leur côté, pas de réaction. Pas de bonjour, juste un “merci de nous faire honneur de ta présence”. Ce ton sarcastique, je ne le supporte plus.

On retourne alors dans notre petit espace, une chambre je crois. Mais est-ce bien cela quand on y passe toute sa journée ? Quand on y a de très mauvais souvenirs. Quand les palpitations se font ressentir car c’est ici-même, il y a deux ans, qu’on a imaginé en finir avec sa vie.

Pour certains, le confinement est une partie de vacances, des congés payés. Pour d’autres, il représente une période de chômage partiel imposé ou encore un calvaire d’être touché par la maladie, avec la peur de voir ses proches souffrir, voire partir.

Un jour quelqu’un m’a dit qu’il fallait « ne jamais perdre espoir”.
C’est peut-être vrai et j’espère que je pourrai le confirmer dans quelques mois.

Merci de m’avoir permis de mettre des mots sur mes maux.

Lola, Lille

Lettres pour me raconter

Chaque jour j’espère que tout changera, mais ça recommence. Le temps avance et les grains du sablier ne se figeront jamais. Il faut vivre sa vie comme si chaque jour était le dernier. Vivre, pour ne rien regretter. Surtout pas ce qu’on a raté. Aujourd’hui j’ai fait mon deuil. Tu as joué ton rôle de pansement. Je pleure moins, et même je souris, parce que je sens sa présence, comme une bonne étoile.

Je ne sais pas exactement où tu vas m’emmener, mais je sais que j’aimerais aider les autres à réaliser leurs rêves. L’avenir ? Il n’y a rien à dire, rien à écrire. En nous mettant la pression, on nous empêche de briller. On n’a pas besoin de questionnaire, pas besoin de tableaux à remplir pour connaître l’avenir. Si le hasard fait bien les choses, je les ferai par hasard. Sinon ce sera les jeux de dés du destin.

Je n’ai pas peur pour mon avenir, je sais que je finirai quelque part et si je ne suis pas idiote, en chemin je n’aurai pas fait les pires choix.

Fanny, France

Lettres pour me raconter

Mes chères angoisses,

Quand j’ai appris que nous allions tous être confinés, j’ai immédiatement pensé à vous. Voici ma déclaration de guerre.

À toi d’abord, ma Claustrophobie, contre qui je me suis battue pendant si longtemps. J’ai d’abord pensé être en sécurité dans un lieu clos, et pourtant ma plus belle évasion a été de partir loin de mes dix-neuf années de routine chez mes parents, de découvrir de nouvelles choses et d’être maîtresse de mes choix.

Après six jours de confinement dans mon appartement strasbourgeois avec mes deux colocataires, tu reviens me guetter et tu secoues ton trousseau près de mes oreilles. Mais aujourd’hui, je te connais bien. Je parviendrai à te berner et à anticiper tes attaques.

À ton tour « Oh Cher Ennui !». Avachie sous mon plaid, j’entame le cinquième épisode de la série choisie par défaut la veille. Tu me fixes droit dans les yeux. J’aperçois les commissures de tes lèvres se relever et tes pattes d’oie se plisser. Je te vois malicieux, me tournant autour, ton arc à la main. Sois en sûr, ta flèche et sa trajectoire droite n’atteindront pas mon esprit, capable de bien des tours.

Arrivent enfin celles qui m’envahissent quotidiennement : la Solitude et la Dépendance affective. Sœurs d’armes depuis mon adolescence, j’ai réussi à vous contrer par une vie sociale riche et un métier de proximité. Aujourd’hui, pour la première fois, je me retrouve sans bouclier et sans armure. Mais je suis prête à vous faire face, et je tiendrai contre vous Mesdames ! S’il le faut, j’emploierai toute ma volonté car si je tombe, la grande et puissante Dépression viendra conquérir mon cerveau. Et elle, elle n’est pas angoissante, non ! Elle est terrifiante et a déjà possédé mon royaume… Il est hors de question qu’elle revienne.

Alors aujourd’hui mes chères angoisses, servantes de cette période étrange de flottement et guerrières de votre Reine Dépression, je vous l’annonce : vous me faites peur mais je suis prête à vous affronter !

Et qui sait, peut-être que cette fois j’arriverai à vous vaincre pour de bon.

Elisa, Strasbourg

Lettres pour me raconter

Depuis quelques temps, je ne vois que toi. Nous sommes devenues, sans le vouloir, des colocataires. Pour combien de temps ? Je ne sais pas.

Tu parsèmes mes journées sans plus savoir où te cacher. Tu brilles à travers mon écran, mon téléphone ou même la lueur du soleil dans les recoins de mes volets. Mais dans mon humble appartement de deux pièces aux couleurs plutôt claires, ta présence m’oppresse.

Tu es mon premier spectateur, la première à découvrir toutes les facettes de mon intimité. Tu restes silencieuse, transparente, à me voir faire des choses dont peu de gens sont témoins dans mon entourage – pleurer, rire, danser, dormir, cuisiner.

Quand je rentre dans mes délires, tu m’observes et tu me rappelles vite à l’ordre.
Quand j’essaye de te semer le temps d’aller dormir, que je me laisse envelopper dans la pénombre et que je m’apprête à plonger dans mes rêves, tu m’entoures de ton ombre et tu me souffles un air glacé dans la nuque.

Mes déjeuners se résument à une assiette sur mes genoux, à l’ordinateur allumé sur la série du moment, à la bouilloire remplit d’eau chaude du réveil au coucher. La vaisselle reste toujours propre, peu de vêtements sortent de mon dressing et je n’ai jamais autant rempli mes placards de nourriture.

Tu es devenue à toi toute seule ces journées qui s’enchaînent. Tu étais une infime partie de moi depuis ma naissance et en quelques mois tu es devenue toute ma vie, mon quotidien, en entier.

Où est donc passé le rire aigu de mes copines ? Le tapement des pieds dans les couloirs du métro ? Les verres qui trinquent sur les tables voisines lors de mes nombreuses soirées festives ? Seuls quelques visages apparaissent en facetime. Le reste du temps, c’est la voix des acteurs dans les films qui me fait sentir moins isolée.

Il faut que tu saches que c’est encore nouveau pour moi et très abstrait. On m’a dit que tu faisais partie de moi et ça, depuis longtemps ; que je devais t’accueillir et apprendre à être heureuse avec toi avant d’être heureuse avec d’autres. Mais comment veux-tu que je travaille sur moi si, de toute façon, je n’ai pas le choix ? Comment puis-je t’accepter dans ma vie de tous les jours si je n’ai même pas de vie de tous les jours ?

Alors j’apprends, d’heure en heure, à t’enlacer à mon tour ; avec tendresse, amour et non avec tristesse. Car c’est avec toi que j’ai quitté le chemin d’une vie dynamique et répétitive, que j’avais l’habitude d’accepter, pour des journées plus tranquilles, plus saines, tournées vers l’autre et vers l’instant présent.

Tu as de multiples facettes, de multiples personnalités et chacun te rencontre à sa manière, à un instant de sa vie. Plus particulièrement cette année. Tu es rentrée plus tôt que prévu dans la vie de nombreuses personnes qui n’avaient pas encore les outils pour t’aimer, et tu t’es renforcée dans la vie de ceux que tu avais déjà conquise. Tu as causé de nombreux dégâts, fait souffrir de nombreuses âmes, au point que certaines envisagent de partir pour de bon. Si seulement nous avions appris à te faire confiance plus tôt… à te découvrir sans t’associer à des peurs, à nous laisser une chance de te conquérir avec douceur.

Je décide donc, aujourd’hui, de te comprendre et de t’accepter telle que tu es. Je considère qu’il est urgent d’apprendre à vivre en paix avec toi, et donc avec moi-même, et je nous souhaite qu’il y ait autant d’amour entre nous qu’il peut y en avoir entre deux êtres.

Thaïs, 25 ans, Île De France.

Lettres pour me raconter

Ça fait longtemps que je ne t’ai pas écrit. Ou plus exactement, je ne t’avais jamais envoyé ce que j’avais couché sur le papier.

Tu es arrivée brusquement dans ma vie, il y a presque 5 ans. Il paraît que tu fais souvent ton apparition entre l’âge de 15 et 25 ans. On t’a donné le nom de décompensation psychotique. Un mot impossible pour décrire quelque chose qui m’a fait sortir du réel. La première fois qu’on m’as parlé de toi, je n’ai pas compris grand chose, car c’était en anglais, dit par le médecin qui me suivait en Turquie. Ensuite médecins et psychiatres me l’ont réeexpliqué en France. Tu cherchais à “rompre mon équilibre psychique avec des épisodes délirants très brusques”. Aujourd’hui j’ai besoin de te raconter ce qu’il s’est passé entre nous, pour me délivrer de toi une bonne fois pour toutes.

Une nouvelle réalité

Tu t’es manifestée dans un petit paradis, aux Cameron Highlands, entourée de plantations de thé, où j’étais en backpacking pour 3 mois en Asie. J’ai ressenti un changement radical en moi, un changement effrayant et magnifique à la fois. Cette sensation qu’une énergie avait pris possession de moi. J’en ai eu des fourmillements dans les moindres recoins de mon corps. Quelque chose en moi comprenait qu’il fallait que je rentre en France, mais c’était déjà trop tard.

Dans la réalité que j’étais la seule à percevoir, le temps passait de manière irrationnelle : le soleil se déplaçait d’est en ouest en l’espace d’un battement de cil, et chaque musique que j’avais l’habitude d’écouter avait été comme remixée par mes mouvements, comme si nous étions connectés. C’est vrai que c’était très étrange, mais c’était aussi génial et j’aurais aimé que tout le monde puisse l’écouter.

Tu me protégeais du monde extérieur, en me disant que j’étais mieux ici. Tu faisais de moi quelque chose d’agité. Je parlais je réfléchissais, comme si j’étais devenue quelqu’un d’autre, certaine que le monde dans lequel j’avais toujours vécu n’était qu’un mirage.

Une voix m’est revenue – bien réelle – que j’écoutais depuis mes 15 ans. Chacune de ses chansons me confirmait qu’on était liés. J’avais l’impression de communiquer avec Lui. En pleine nuit, alors que mes amis dormaient, je me suis enfuie de l’hôtel pour le suivre, sentant mes pas guidés par une force étrangère, pour enfin le rejoindre.

La capture

J’ai chanté tout du long, écouteurs dans les oreilles. J’ai balancé sur le chemin toutes les affaires que j’avais sur moi, une à une. J’ai commencé par mes bijoux, et j’ai fini par mes vêtements et mes chaussures. Tous ces biens matériels ne m’étaient plus d’aucune utilité là où j’allais. Je me suis retrouvée à marcher en maillot de bain au beau milieu des routes de montagnes, jusque dans la forêt.

Rappelle-toi…La peur qu’ont eue mes amis lorsqu’ils se sont réveillés et qu’ils ont vu que je n’étais plus là. Le moment où ils sont partis à ma recherche et m’ont retrouvée couverte de bleus. L’avion dont on m’a fait sortir de force lors de l’escale.Le premier hôpital où on m’a amenée sans même que je m’en rende compte.

Enfermée

Rappelle-toi…
De ma famille, impuissante.De la peur et de la détresse pendant un mois d’enfermement. Des piqûres, des barreaux aux fenêtres, des médicaments. 
Des camisoles de force.De ce froid ambiant, ces murs jaunis par le temps.De cette odeur particulière qu’on ne trouve que dans les hôpitaux.

La terreur lorsqu’on m’enfermait dans cette pièce minuscule, sanglée sur le lit. 
De ma nuque douloureuse, à force d’essayer de regarder par la fenêtre qui se trouvait derrière moi, le seul puits de lumière qui me permettait de ne pas perdre complètement pied.
Les journées passées avachie sur une banquette, amorphe, après chaque piqûre de tranquillisant. 
Et cette idée…

que je ne sortirais plus jamais d’ici.

Sortir de l’enfer

Plus le temps passait, moins tu te manifestais. Au bout de 15 jours, j’avais commencé à retrouver l’appétit. J’étais moins sédatée, et on m’autorisait à sortir de temps en temps dans la cour. Rentrer chez moi redevenait une possibilité.

Mais à mesure que tes forces s’amenuisaient, je me retrouvais seule, seule dans un pays dont je ne comprenais pas la langue, et tu n’étais plus là pour m’apporter refuge.

On est finalement rentrées en France, toujours ensemble. Puis, petit à petit tu t’es complètement détachée de moi. Je m’exprimais par moi-même et plus par l’autrevoix. Et puis le temps s’est remis à s’écouler normalement. Le soleil, la lune et toutes les planètes se sont remises à leur place. Les musiques étaient redevenues comme avant… seulement des musiques. Je pouvais sortir toute seule et aller boire un café avec mes amis. J’ai même retrouvé du travail.

Revivre “normalement”

J’ai toujours eu du mal à parler de toi avec les autres. J’avais honte, peur d’être rejetée et qu’on ne me comprenne pas. Peut-être qu’avant de pouvoir en parler aux autres je devais d’abord en parler à moi-même… c’est-à-dire à toi. Voilà pourquoi je t’écris. 

J’ai réappris à ne plus être à contre-sens. J’ai teint mes pensées noires en rose, j’ai fait en sorte de redevenir conforme à notre société, et il paraît que c’est bien mieux comme ça. Sauf que tu étais une partie de moi… tu m’as fait devenir qui je suis, et j’aurais peut-être préféré que l’on t’accepte comme une part entière de ma personnalité.

Je veux aussi que tu saches que tu n’as pas fait que me faire sentir anormale. Tu m’as aussi offert une autre vision de la vie et de l’univers. Tu m’as fait grandir. Tu m’as ouvert les yeux et tu as éveillé mon esprit. Tu m’as fait faire un voyage vers une dimension que je n’aurais pas pu imaginer. Mais je devais faire un choix. Car tu vas de paire avec les hôpitaux, la solitude, les médicaments, la tristesse, les regrets et tout ça, j’ai décidé de les laisser derrière moi.

Freud dit que «les comportements, même en apparence les plus insensés, ont un sens». Donc tu as un sens, mais lequel? Tu es «une tentative des êtres à trouver des solutions -certes dysfonctionnelles- à des problèmes profondément humains.» Entre la langue des médecins et celle de la spiritualité, je cherche encore à te définir. Accepter ce bout de chemin passé ensemble, c’est tout ce que j’ai pu faire.

Ana, 25 ans, Haute-Savoie

© 📸 Oscar Keys via @unsplash
💻 graphiste visuel @cess.cess.16

Lettres pour me raconter

Comment ça va ma vieille ? On m’a dit que tu avais du beaucoup changé. Tant mieux ! Toi qui avais si peur de l’avenir, tu es la preuve sur patte qu’il ne fallait pas tant stresser. Regarde-toi, tu as réussi à devenir qui tu es. J’aimerai tellement que tu me dises comment en es-tu arrivé là, quel chemin suivre ? J’ai peur de me tromper, peur d’échouer. 

Continuez la lecture “Lettre à celle que je serai”

Lettres pour me raconter

Je doute qu’un jour j’aurai le courage de vous montrer cette lettre. Mais c’est juste un prétexte pour dire tout ce que j’ai gardé depuis mon enfance. D’abord sachez que je vous aime. Mes parents, mon frère et mes sœurs. Je ne sais pas combien de fois je l’ai dit mais ça ne sera jamais trop. 

Continuez la lecture “Lettre à mes parents”

Lettres pour me raconter

Depuis leur séparation, j’ai l’impression d’avoir deux éducations. C’est si différent chez l’un ou chez l’autre. Papa ne nous donne quasiment aucune règle de vie. Il nous laisse faire les choses et parler comme on souhaite. Il nous laisse nous débrouiller et gérer notre vie tous seuls. Quand on a besoin qu’il nous emmène à tel endroit il le fait, sans nous imposer de limite de temps ni de lieu où ne pas aller. On pourrait croire qu’il s’en fiche. Pourtant je sais qu’il nous aime. 

Continuez la lecture “Lettre au divorce de mes parents”