Lettres pour me raconter

Toi tu es sûrement celle que je côtoie le plus. Tu m’épaules et tu me ramènes sur le chemin. Pas forcément le droit d’ailleurs. 

Tous ces réveils qu’on n’a pas écoutés, et tant pis pour le cours du matin. Toutes ces soirées en tête à tête, et tant pis pour la soirée où j’étais invité. Tous ces devoirs  reportés, jamais rendus. Tu me disais toujours « T’inquiète, la prochaine fois… »

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Lettres pour me raconter

Oulà, c’est bizarre de commencer une lettre comme ça. Enfin, passons. Comment tu vas ? Ton parcours depuis ces dix dernières années, ton job, tes expériences, tes ambitions, tes rêves ? 

J’espère que tu n’auras laissé personne te dicter quoi faire en chemin, et que tu auras eu le courage d’accomplir ce qui te tenait à cœur, en évitant les embûches et les bâtons dans les roues.  J’espère que tu auras gardé ton indépendance, cette envie de liberté, ce sentiment de pouvoir bouger sans aucune entrave.  

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Lettres pour me raconter

Aujourd’hui, c’est à chaud que je vais te décrire mon froid.
C’est comme un besoin d’exprimer, de partager mon émoi.
C’est bien d’ailleurs la première fois que je fait ça.
Il le mérite bien mille fois.

Six jours pendant les fêtes, nous nous séparons pour aller voir nos familles
Pour tout un tas de couples c’est normal et régulier, ils le vivent très bien comme ça. Je vous respecte et je vous admire, vous, les grands adultes qui avez peu de temps à deux. Mais comment vous expliquer sans être ridicule… pour nous c’est une véritable épreuve. J’ai l’impression d’être restée enfant.

C’est un grand raid sous la neige des souvenirs à gravir la Montagne au bord du vide. C’est l’impossibilité de combler cette absence.”Ça vous fera du bien !” qu’ils disent. Non, pour l’avoir vécu déjà deux fois cette année : non !
Mais bon… c’est la famille d’abord ?

La veille déjà mon ventre se noue. Lorsqu’il part la magie n’existe plus. Impossible de retenir mes larmes quand je le vois partir. Mon cœur souffre, il crie, il hurle et ne comprend pas. Je perds mes repères, à bout de souffle je n’ai plus d’oxygène. Mon amour, mon mec bizarre qui fait peur aux gens, car il est tellement différent.

J’ai compris que la différence fait peur, mais moi elle m’émerveille. C’est comme si on venait de deux planètes différentes et pourtant, on forme notre propre monde.

Il regorge de richesses, déborde d’intelligence et d’énergie. Avec lui j’apprends à chaque minute. Il m’ouvre les yeux, je découvre et voyage. Vrai, sans tabou, sans mensonge, sans secret. Il me donne tant d’amour sans compter et sans retenue.

On a notre propre langage, nos propres rires et nos gueulantes. Nous sommes devenus fusion. Je suis sa Reine des glaces, il est le Fou du Roi de feu. Je l’apaise et il me booste.

Je suis le calme et il est ma plus belle tempête. Car sans folie il n’y a pas de raison. Il me rend heureuse depuis trois ans. Il m’a permis de réaliser mes rêves de voyage. À toi homme aussi incroyable que vrai : je t’aime !

Je suis là, à 28 ans à me retrouver comme une adolescente  amoureuse et à fleur de peau. J’ai presque honte, mais ces lignes qui coulent autant que mes yeux, ne sont-elles pas la preuve que l’amour inconditionnel existe bien ?  S’il y a bien une chose dont je ne doute plus c’est de cet amour.

Si vous êtes encore là à lire cette lettre, n’oubliez pas de dire je t’aime à ceux que vous aimez, de leur donner vos sourires comme vos larmes, car l’amour exige de la sincérité .

2020 à été difficile pour tous. Nous sommes usés, désabusés, fatigués, lassés. Justement, plus que jamais, ne laissons personne nous faire oublier le plus important.

Prenez-soin de vous.

Tagadark, Loire (42)

© 📸 Alex Iby via @unsplash

Lettres pour me raconter

Parfois, il arrive qu’un événement nous brise complètement. Un événement si violent, qu’il vient bouleverser toute notre vie : nos habitudes, notre façon de voir le monde, notre façon d’être. Si choquant, qu’il nous pousse à nous isoler. Enfin, c’est ce qui m’est arrivé à moi. Après, j’étais complètement perdue au point de même plus savoir qui j’étais.

J’ai dû parcourir un long chemin pour arriver jusqu’ici. J’ai vécu des moments de vide, des envies de disparaître.

Par la suite, j’ai découvert une force de vie en moi. J’ai dû réapprendre à vivre avec les autres, pour enfin sentir l’espoir renaître en moi.

1.  Expérimenter le vide
Quand c’est arrivé, un vide m’a envahie. Un vide qui vous fait ne plus rien ressentir. Ni joie, ni peine, ni douleur, ni colère. Juste un vide, qui efface peu à peu la personne que vous êtes. Je me sentais complètement inexistante, comme si on m’avait supprimée. Je restais la plupart du temps figée, comme si j’étais le fantôme de moi-même. J’avais l’impression de voir les choses en étant en dehors de mon corps. Je faisais des gestes, mais je n’habitais plus ma vie. Je n’étais même plus capable de suivre une conversation ou un cours.

Je me racontais que ça allait passer. Mais à mesure que le temps passait, j’ai compris que non : on ne peut pas changer cela. C’est quelque chose d’irréversible, un peu comme si on gommait un trait de crayon : on ne le voit plus, mais le papier est marqué. J’ai essayé de reprendre une nouvelle page pour tout recommencer. (J’y ai passé des heures.) Mais les larmes montaient et finissaient par tomber sur la feuille qui se déchirait. Alors j’abandonnais.

2. Vouloir disparaître

J’étais devenue invisible. J’ai pourtant essayé de m’ouvrir à cœur ouvert aux autres. Mais lorsque je voulais me confier, que les mots étaient sur mes lèvres, une force les repoussait dans le fond de ma gorge. Je restais seule. Seule avec mon silence. Condamnée deux fois : la première au moment où ça s’est passé, et puis une deuxième fois, à ne pas pouvoir parler. Condamnée à errer comme une âme perdue, entre la terre et le ciel.

J’ai joué avec la mort. J’avais envie de retrouver ce grand-père qui avait été si présent pour moi pendant mon enfance. Envie de revoir mon ami qui, avant moi, avait décidé de se rendre au paradis. Au lieu de ça, ils m’ont rejetée sur terre, sans vie.

3. Sentir en soi la force de vie
C’était vraiment dur d’avoir envie de vivre. Moi je ne voulais tout simplement plus. Mais j’ai dû essayer de reprendre possession de moi. Aujourd’hui, je suis là de nouveau, à me poser des tas de questions : pourquoi suis-je incapable de me concentrer, incapable de prendre la moindre décision ? Pourquoi je ne me sens à ma place nulle part ? Pourquoi je n’arrive pas à vivre pleinement ?Et puis je repense à eux. À ceux qui ont fait de moi cette personne étrangère. Ce sont eux qui m’ont tuée.

 Puis à force d’errer, on finit par rencontrer d’autres personnes aussi brisées que nous. J’ai fini par nouer une belle amitié avec quelqu’un. On se soutient. D’autres personnes m’ont relevée. Elles m’ont fait comprendre que j’étais à ma place sur terre, que je pouvais devenir la personne que je souhaitais, que j’avais le droit d’avoir des rêves, d’avoir des envies, et même le droit d’avoir des peurs. Grâce à elles, j’ai découvert une force bien cachée en moi. Une force si puissante que par moment, elle nous permet de nous faire sentir vivante.

4. Revivre parmi les autres

Pour l’instant, je veux disparaître au milieu des autres. Je passe la plupart de mon temps à regarder les personnes que je croise. J’observe leurs comportements, leurs réactions, leurs façons de s’exprimer. J’analyse tout ce que je vois, que ce soit dans la rue, dans les transports, en cours, dans les magasins ou lors d’un repas. Je les observe pour les imiter. Parce qu’il est plus simple de se fondre dans la masse et de ne pas se faire remarquer quand on se comporte comme tout le monde. J’essaie de recoller les meilleures parties des personnes que je rencontre, un peu comme une greffe afin de me reconstruire une nouvelle personnalité. Plus tard, je retrouverai peut-être ma place parmi les autres.

5. Redonner un sens à sa vie
Je me suis remise à faire des choses que je m’étais interdites : faire les magasins, sortir avec des amis ou même faire une simple balade en forêt. J’ai repris les études qui me plaisent.
Cela m’a pris 4 ans.

Je me réveille le matin en me disant que je suis enfin sur le point de devenir une nouvelle et une bonne personne utile pour beaucoup de personnes. Finie la petite fille discrète, celle qui n’ose pas dire non. Finie l’adolescente qui ne pense qu’à se bousiller la santé en buvant, en fumant n’importe quoi.

Pour la première fois, j’ai l’espoir que ça marche. Cet événement m’a changé, il fait même partie de moi. Il m’a permis de grandir, un peu trop tôt. Cet événement fait pour me détruire m’oblige à profiter de tous les petits moments de la vie.
Avant, je détestais écrire, je pensais ne pas savoir le faire. J’admirais l’écriture, mais ça me ramenait toujours aux écrits scolaires et aux mauvaises notes. Mais vient le moment où on a besoin d’extérioriser des choses, la plupart du temps douloureuses. Notre cerveau bloque, on est incapable de les dire, mais on sent qu’elles poussent pour sortir, sinon on va exploser. J’ai été accompagnée pendant un moment par des éducateurs et psychologues. C’était compliqué pour eux, car je parlais très peu. Ils m’ont donc proposé de passer par l’écriture. Quand je voulais parler de quelque chose en particulier je venais à la séance avec quelque chose d’écrit.

Aujourd’hui j’écris des pages et des pages pour extérioriser tout ce que je ne sais pas verbaliser. Les sentiments, les problèmes, les solutions que j’ai rencontrées, j’ai envie de les partager par l’écriture.

Mais je voudrais aussi en parler oralement, rencontrer des gens, leur permettre de retrouver leur chemin. Je ne veux pas qu’ils ressentent la solitude et le sentiment d’abandon que j’ai pu éprouver. Je voudrais que ça touche un maximum de monde, leur montrer qu’on peut se sortir d’une situation que l’on pense insurmontable. Qu’il faut du temps, mais surtout qu’il faut savoir demander de l’aide. On me dira qu’avant de vouloir aider les autres, il faut s’aider soi-même. Oui, sans doute. Peut-être. Pourtant, c’est cette promesse qui me fait me sentir en vie.

Ce soir, je sais que j’ai avancé. Bien plus que ce que je pensais en commençant cette lettre. Je suis fière d’avoir surmonté tant d’obstacles et d’être arrivée ici. Mais je reste prudente, parce que je sais que le chemin n’est pas fini et qu’il y a encore beaucoup à faire. Il me faudra du temps pour vivre sereinement, pour ne plus avoir peur. Mais ça ira, parce qu’aujourd’hui, plus que jamais, j’ai envie de vivre.

 Lola, 20 ans, Nord

Relisez la première lettre de Lola : Lettre à mon intimité.

© 📸 @emilianovittoriosi via @unsplash

Lettres pour me raconter

Monsieur le Deuil,

J’étais au courant de ton existence depuis bien longtemps. Tu as inspiré beaucoup d’histoires que j’ai dévorées en grandissant. On s’est croisés quelques fois avant que tu t’installes durablement dans ma vie. Hé oui, les grands-parents et les rêves d’ado ne sont pas éternels. Notre flirt n’aurait dû durer qu’un temps. Puis tu devais partir. Et une fois mes épaules suffisamment larges, on aurait pu avoir une véritable histoire toi et moi.

Bien sûr, cela ne s’est passé comme prévu. Tu es entré dans ma vie de façon sournoise, l’année de mes 20 ans. On m’avait vaguement préparée à ton arrivée, mais je ne pensais pas vivre avec toi aussi tôt. Progressivement, tu as pris tes quartiers. Quand la mort s’est imposée à moi, quand mon espoir d’être plus forte que la maladie que deux fois nous avions déjà repoussée s’est brisé, j’ai commencé à sentir ta présence. Déjà, tu calmais ma colère. Pourtant, cette injustice se trouvait décuplée par un virus qui m’arrachait au réconfort de mes proches. À l’âge où l’on attend tout de la vie, mes espérances ont été broyées.

Je sens bien que tu essayes d’apaiser la violence de la mort qui m’a arrachée à l’amour de ma mère. De façon tendre ou cruelle, tu me projettes dans une profonde mélancolie. Je me sens lasse. Lasse de me retourner dans la rue pensant croiser ma mère, lasse de prétendre que « ça va », alors que rien ne va plus. Mes émotions sont tantôt décuplées, tantôt atrophiées. Je ne parviens plus à trouver du sens dans mon quotidien. Je me demande à quoi bon obtenir mon diplôme si celle qui m’a tant soutenue ne peut me féliciter ? Il m’arrive encore de vouloir composer son numéro pour lui raconter qu’ici, les cerisiers sont en fleurs. Pour lui dire à quel point ils sont beaux, puis d’avoir un haut-le-cœur en me rappelant que non, je ne lui dirais rien de tout cela. Il y a des jours où, sans prévenir, la douleur me transperce. Je m’endors alors au milieu de mes larmes, perdue dans ma solitude. Ses amis me disent à quel point je lui ressemble, à quel point elle serait fière de moi. Ils ne savent pas à quel point cela provoque en moi un sentiment amer.

Je ne peux te considérer comme un ami. La mort m’a rompue. Aujourd’hui, tu es encore trop lié à elle pour que nous soyons amis. Comprends que ma vie a volé en éclat. Depuis, je passe mon temps à me couper pour tenter de rassembler mes morceaux. Je n’ai plus de chez-moi. Un voile translucide s’est déposé sur ma vie. Je suis là, sans jamais être complètement présente. Des mots comme « partie » sont ternis à jamais. Je déteste la violence des euphémismes. Les morts ne sont pas « partis » : les morts sont morts.

Tu m’amènes dans des directions improbables et tu me dévoiles des facettes de ma personnalité que je ne soupçonnais pas. Puisque je ne peux plus me voir à travers les yeux de ma mère, j’apprends à me faire confiance. Je deviens quelqu’un d’assuré et de déterminé. Tu me forces à croire en moi pour me convaincre qu’un jour ça ira mieux. Moi qui ai toujours été insouciante, tu m’as rendue grave. Je sais maintenant quelque chose que la plupart des gens de mon âge ne sont pas près de connaître. Tu m’apprends des choses que je n’aurais jamais sues sans toi. Mais je ne vais pas te remercier pour cela, car tout ce que tu m’apportes c’est ce que ma mère aurait dû avoir le temps de m’apprendre.

Je te préfère à la souffrance de ma mère. Je te fais confiance pour m’emmener au plus profond de la faille qui s’est ouverte en moi. Je sais que je souffrirai encore longtemps. Je suis prête à affronter toutes les étapes que tu me réserves. Il faut que je te fasse une place, car tu fais partie de moi. Mais, reconnais que tu n’es pas facile à suivre. Tu aimes me faire aller et venir entre le déni, la colère et la dépression. Tu ne suis pas le programme à la lettre, mais je sens le temps faire son travail.

Progressivement, grâce à toi, j’accepte la mort. Progressivement j’essaye d’arrêter de survivre, pour vivre à nouveau. Malgré les jours d’abattement, malgré ma colère face à tant d’injustice, je continuerai à composer avec. Malgré la violence des confinements, je redouble d’inventivité pour exprimer mon besoin de vie dans un monde mis à l’arrêt à cause d’un virus. Je me crée de nouveaux refuges, loin, dans un monde rêvé. Je t’écris, je te donne un corps, puis j’écris à ma mère tout ce que je ne peux dire de vive voix. J’apprends à demander de l’aide lorsque j’en ressens le besoin. Je m’évade dans de longues marches en nature, parfois seule, souvent en bonne compagnie. Sur mon sentier j’ai fait des rencontres qui m’aident chaque jour à t’accepter entièrement, je les en remercie sincèrement. Ce sont des bouffés d’air précieuses.

Certains jours, j’ai le sentiment de réussir à nous synchroniser. Je commence à comprendre que tu n’es pas un ennemi à semer. Au contraire, tu sembles vouloir m’aider, tu es à mes côtés, quand personne d’autre n’est là. Tu me montres que j’ai encore la force d’exprimer mon besoin de vivre. Un jour, je serai capable de te remercier.

J’accepte que la violence que je vis soit à la hauteur de la personne que j’ai perdue. Pour elle, pour ses promesses, pour mes promesses, je continuerai de t’accepter au mieux pour pouvoir avancer dans ma reconstruction. Jamais je ne cesserai d’aimer, jamais je n’oublierai.

Inès, 21 ans, Grenoble