Lettre à la maison que mon père a construite

Maison : Lieu de repos, lieu de réconfort et de confort, lieu d’intimité qui regorge de nos joies et de nos tristesses. Lieu de retraite. Espace qui nous comble.

Je ne suis pas née chez toi. Je suis née à Abidjan, dans l’une des communes les plus denses et les plus animées de la ville. Nous étions dans un appartement en location, mais je m’y sentais chez moi. Toutes les expériences que j’ai eues, les joyeuses comme les difficiles, ont forgé mon appartenance à cette maison. Mais à 18 ans, je l’ai quittée pour te rejoindre.
Un jour, mon père nous a annoncé qu’il voulait que nous aménagions dans un quartier nouveau de la ville. Il ne nous avait pas dit qu’il construisait une maison. J’étais envahie de questions : à quoi ressemblerait cette maison ?
Est-ce que je pourrais m’adapter loin de mes amies d’enfance ? Mon père était si fier. Il était devenu propriétaire dans la capitale économique !  Devant son sourire je n’osais pas lui parler de mes questionnements.

Quelques mois plus tard, nous emménageons. Tu as de larges pièces, avec une grande vue sur un paysage de hautes herbes. À l’instar des nouvelles constructions du quartier, tu es en briques mais avec une cour familiale, et de nombreuses dépendances, toutes larges et aérées.

Dans ce nouveau quartier moins urbanisé que l’ancien, les maisons se comptent au bout du doigt. Seule attraction : quelques commerçants dans de petites baraques en bois qui vendent de l’attiéké, des galettes à base de farine et de la bouillie de mil. Peut-être qu’un jour, il y aura ici des supérettes, des boutiques de mauritaniens et des cabines téléphoniques à tous les coins de rue ?

Le début n’était pas facile pour moi. Je me sentais seule et angoissée, et je n’avais pas de distraction. Je sentais un manque au quotidien. Je n’allais pas spontanément vers les nouveaux visages des cours environnantes. Je passais donc mes journées à faire les travaux domestiques : la lessive, la vaisselle.  Après ces travaux, je regardais la télévision. Par moment je lisais, et je passais du temps devant ma fenêtre en profitant de l’air frais et des hautes herbes. Ma seule occupation hors de ton quartier était de me rendre à l’école en tricycles, à quelques kilomètres. Cela me prend 30 minutes. Ce nouvel environnement que tu m’offrais me semblait monotone.

Et puis, petit à petit, j’ai commencé à voir la beauté autour de toi. Tu n’as pas de jardin, mais ton paysage paisible nous offre des plaines, du vent frais et moins de pollution. Là-bas nous vivions près de nombreux maquis – des lieux de commercialisation de boissons – et des boîtes de nuits ; le soir quand on dormait, on pouvait entendre la musique jusqu’à l’aube.

Peu à peu, cette vie paisible et tranquille commençait à me plaire. J’ai commencé à sortir à pied pour encore mieux apprécier l’environnement et le paysage autour de toi et dans les quartiers environnants. Je préfère les sorties d’après-midi, quand le soleil est au crépuscule, pour être moins exposée aux grandes chaleurs.Mon père me rappelle souvent que le bien-être se construit au quotidien et que le bonheur se rapproche quand nous changeons notre regard sur le monde qui nous entoure. Je me suis rendue compte de l’implication de mon père et de ses efforts : tu es son œuvre pour nous. Dans mon fort intérieur, c’est moi qui suis fière de mon père.

Maintenant je me suis intégrée à toi et moi aussi j’aimerais poursuivre l’œuvre de mon père ; t’embellir, t’offrir un jardin avec de grandes fleurs de toutes les couleurs, un beau revêtement de tes murs et un beau carrelage blanc pour ton sol. J’aimerais que tu accueilles mes rêves et mes projets, que tu participes à mon bien-être et à mon équilibre à celui de chaque membre de ma famille.Je crois que ma future maison sera encore plus grande, cette fois avec un jardin et même une piscine pour les enfants de mon quartier. Elle aura une grande cour familiale avec des dépendances, de sorte que chacun puisse s’y retrouver par moment et renforcer le lien familial. Chez nous en campagne comme en ville, la vie en communauté est importante, cela permet de de rester proche de sa famille. Ce sera une maison où règnent l’enthousiasme, la gaieté, la paix et l’entente entre les membres de la famille.

En attendant, je te promets la joie, la gaieté et l’hygiène entre tes murs.

Merci Papa !

Myriam, Abobo-Adjiby (Abidjan) (18 ans)
Partagez l'article :
  •  
  •  
  •  

Rejoignez la discussion

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *