Ma « p’tite poule »,
Tu es partie trop vite, trop tôt. Pour moi ça a été douloureux. Mais je me console en pensant aux quelques mois qu’on a passés ensemble. Ces quelques mois où j’espère t’avoir apporté une vie un peu meilleure que celle de la plupart de tes congénères.
Pour tout te dire, tu as d’abord existé sur le papier, sur une liste. Une liste que j’ai commencé à dresser il y a deux ans et qui représente pour moi un acte fort d’engagement pour la planète et son avenir… Si tant est qu’on lui laisse en avoir un. Évidemment, tu n’étais pas en haut de la liste. Il fallait d’abord revoir pas mal de choses dans notre quotidien, ma famille et moi : notre consommation de produits suremballés, cultivés en agriculture intensive et venant de l’autre bout du monde… Aux côtés de mes parents, ouverts mais novices, je suis devenu un véritable porte-étendard du changement : fabriquer avant d’acheter, acheter en agriculture raisonnée, de proximité, d’occasion, en vrac… Et je me souviens encore des longues soirées de de recherches et de discussions, avec un papa très réticent, pour démontrer l’importance et la simplicité du fameux compost de jardin.
Et puis, alors que tu étais déjà bien présente dans mon esprit mais loin de celui de mes parents – « ça demande trop d’entretien », « j’en ai trop peur ! » -, la magie du 1er confinement 2020 a opéré. Ta présence à nos côtés était désormais envisageable, à une condition : “que tu t’occupes de tout !”.
Avec mon frère Jojo, il ne nous a pas fallu longtemps pour nous retrouver dans la longue file d’attente devant le magasin de bricolage. Nous n’étions visiblement pas les seuls à vouloir profiter du confinement pour bâtir de nouveaux projets. Planches de bois, poteaux, grillage… Bizarrement, une fois tout ce matériel à la maison, je n’ai plus eu à devoir m’occuper seul de tout : c’était devenu un projet familial ! Une aventure que nous prenions plaisir à vivre ensemble. Avant même ton arrivée, tu as su créer du lien chez nous. Alors imagine quand tu as pris tes quartiers !
On t’a choisie, toi et une copine, parmi des centaines. À votre arrivée à la maison, nous nous sommes mutuellement apprivoisés. Ça a pris son temps. Au début, vous vouliez sans cesse explorer au-delà du poulailler. Nous, on n’était pas encore prêts, on tâtonnait… C’était tout nouveau. On doutait… Il fallait vous observer de près pour vous comprendre, vous nourrir à la bonne fréquence, vous installer votre mangeoire et votre abreuvoir. Finalement, vous avez pondu vos premiers œufs, petits et mous, mais tout à fait mangeables et surtout ultra-locaux.
Pendant plus de 3 mois, on vous a vu explorer tous les recoins de votre parcelle, retourner la terre pour déterrer les vers dont vous raffoliez, accourir quand on venait vous parler et fuir quand on voulait vous porter et vous caresser. On avait réussi à vous offrir une vie paisible, à hauteur de vos besoins et de nos idéaux d’écolos presque parfaits.
Mais un 22 octobre, tout s’est arrêté. Tu as commencé par ne plus pondre, tu t’es mise à boiter, à ne plus manger. Je sentais que quelque chose ne tournait pas rond, mais mes parents, eux, n’étaient pas inquiets… Je ne t’avais pas donné de nom, mais je te connaissais bien. Le vétérinaire a fini par venir mais ses médicaments n’ont rien pu pour toi.
En 2018, tu étais pour moi une idée, une envie, une folie. Tu es entrée dans ma vie en 2020 comme une victoire, une espérance, une nouvelle manière de manger. Tu m’as appris beaucoup. Puis, tu es partie, comme pour me donner une dernière leçon : celle de la vie.
Je ne t’oublierai pas, promis.
Aurélien, 16 ans, région parisienne.