Je t’écris aujourd’hui pour te dire que ça a été compliqué de vivre avec toi. Toi dont je ne connaissais pas encore le nom il y a 5 ans.
Tu me dictais des gestes décalés, balancés, empilés et répétés. On me disait d’arrêter, c’était une telle frustration ! S’empêcher de ressentir et de réagir au monde extérieur, pour juste ne pas paraître anormal. Quel enfer…
En primaire déjà, tu agissais dans l’ombre et tu faisais des ravages : tu ne comprenais pas les humains qui sautillaient devant toi, tu rigolais à leurs remarques, comme si c’était des compliments. Chez eux comme chez moi, tu créais la panique.
Pour mes 6 ans, j’ai été propulsé dans le ciel : j’apprenais par cœur des encyclopédies entières sur le sujet. Je me rêvais déjà astrophysicien et plus rien d’autre ne comptait.
À l’école, mes résultats n’atteignaient pas la moyenne.
Au collège, ce fut l’époque de la sur-adaptation : le mimétisme pour se camoufler était un mode de survie mais aussi la voie de la destruction. Les notes scolaires, encore bien médiocres, allaient dans le sens de ce camouflage.
À mon entrée au lycée, tout est revenu, avec l’anxiété en plus. J’ai cru vivre une explosion en moi : je n’avais plus d’énergie pour porter ce masque de la normalité. Je voulais savoir pourquoi et j’ai alors cherché des réponses. Après deux ans d’exploration, tu t’es révélé à moi : “Autisme”. Ce nom si effrayant pour certains, était une révélation pour moi ; l’explication de tout, de toute une vie.
J’ai rencontré plusieurs spécialistes et le diagnostic est tombé. Je ne m’étais pas trompé. Tu étais bien là depuis des années caché en moi, à regarder le monde extérieur et à l’avoir en horreur. Il fallait maintenant ne faire qu’un pas et te laisser pleinement faire partie de moi.
J’étais toi et tu étais moi. Nous nous sommes apprivoisés et maintenant je me reconstruis avec toi. Je sais que tu ne me répondras pas mais que tu comprendras.
Kylian, Clermont-Ferrand