Ma chérie,
Je t’avais toujours promis de pouvoir tout entendre. Et puis un jour tu me l’as dit. Assise à table, en plein repas. Tu avais quatre ans et demi. Tu avais déjà tenté par le passé timidement d’amener le sujet. Par de petites phrases, des rigolades, des questions. Mon cœur s’est retourné et retrouvé sans vie. Comment avait-il pu ? Te toucher, te violer. Toi, notre fille… ma fille.
Ce vide intense ressenti. Médecin, hôpital, gendarmerie, garde à vue… et le résultat final : la justice m’obligeait à te laisser y retourner. Je n’avais pas le choix.
Pendant des mois j’ai eu la sensation de vivre sans âme. Chaque seconde je culpabilisais de t’avoir choisi ce père incestueux. Les week-ends que tu passais là-bas m’arrachaient le coeur. Il venait te chercher à l’école. Je ne le voyais pas t’emmener. Je n’aurais pas pu.
Je ne comprenais pas le fonctionnement de la justice. On m’empêchait de te protéger. Pendant des mois j’ai étudié. J’ai consulté les expertises, les rapports des associations, les statistiques de la justice, le nombre de classements sans suite, le nombre de condamnations. J’ai recueilli des centaines de témoignages. Et puis j’ai décidé de ne plus me voir en tant que victime de cet homme qui m’avait violenté par le passé. Je devais agir pour toi. J’ai compris que tu étais si lumineuse qu’il cherchait à prendre auprès de toi celle que je ne lui donnais plus.
Au bout de six mois j’ai décidé de ne plus te laisser y retourner, malgré les menaces de la gendarmerie. Grâce à toi je suis devenue une guerrière. C’est toi qui m’a donné cette force, par l’amour que tu m’inspires et qui grandit de jour en jour depuis cinq ans.
J’ai décidé de vibrer de courage et de dénoncer ce qui se passe dans cette société, dans tant de familles, riches et pauvres, de tous les coins et de tous les milieux.
Merci d’avoir eu le courage d’oser le dire. Tu n’es responsable de rien. Et merci pour ta confiance. Ta parole est importante. La vérité te sauvera. Ton courage aidera les autres.
Je te crois. J’ai confiance en toi et je sais que tu sauras vivre avec cela. Que tu transmuteras le mal qu’il a mis en toi en force motrice. Car tu es la fille de ta mère.
Je t’ai promis de toujours être là pour toi. Aujourd’hui je te promets de me battre jusqu’au bout pour que tu sois protégée. Je prendrai le risque d’être condamnée pour toi.
N’oublie jamais ma chérie : tu es précieuse et tu mérites d’être aimée et respectée.
Fanny, France.